Pourquoi les enfants aiment-ils les super-héros ?

le 19/06/2018 à 09h07 par  - Lecture en 3 min Ajouter à votre selection
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Les super-héros fascinent petits et grands, à en juger par le succès des films mettant en scène ces figures toute puissantes. Entretien avec Geneviève Djénati, psychologue clinicienne et psychothérapeute, auteur de Psychanalyse des dessins animés (Ed. Pocket).

Les enfants

« Les enfants aiment les super-héros parce qu’ils sont forts ! Même les plus petits comprennent le sens du mot ’super’ qu’ils entendent souvent. Vers l’âge de 4 ans, ils s’intéressent particulièrement à ce genre de personnages parce qu’ils entrent dans ce qu’on appelle la phase œdipienne, une période où ils vont se comparer au parent du même sexe. C’est un moment où ils réalisent qu’ils ne sont pas tout-puissants, comme ils le pensaient, et rêvent donc de super-pouvoirs pour rivaliser avec leur père ou leur mère. Le super-héros représente pour eux la capacité à ne pas se soumettre à l’impuissance. »

Filles, garçons

« Les filles s’intéressent un peu moins aux super-héros que les garçons pour différentes raisons. D’abord parce qu’elles n’ont pas autant de modèles de super-héroïnes auxquels s’identifier. Ensuite, parce que la phase œdipienne de la petite fille ne se joue pas sur le même registre que celle du garçon et ne l’engage pas de la même façon que lui. C’est un cliché freudien, mais c’est ainsi : le petit garçon a peur de la castration et doit être fort pour y échapper, en quelque sorte, ce qui n’est évidemment pas le cas de la fille. Cela n’empêche pas certaines d’entre-elles d’aimer les super-héros masculins, même si la force mentale de ces personnages est souvent incarnée par la force physique, une caractéristique plutôt attribuée aux garçons. »

Les adolescents

« À l’adolescence, il se passe la même chose sur un plan psychique que dans la petite enfance, avec l’accès à la sexualité en plus. L’adolescent se sent plus fort par rapport à ses parents (il n’est plus dans l’impuissance), mais il se considère toujours en position d’infériorité. La confrontation avec le parent du même sexe se fait donc sur un registre plus réel (c’est la fameuse crise d’adolescence) et le jeune a besoin de chercher des éléments de puissance et de pouvoir, d’autant qu’il entre aussi dans la vie sociale où il faut être fort. À cet âge, l’identification aux super-héros est plus importante. Ces figures sont des sortes de doubles idéalisés.

Mais les adolescents n’aiment pas seulement les héros des comics américains (Spider-Man, Superman, Iron-Man....) Ils apprécient aussi les personnages qui reviennent de la mort, comme les fantômes, les vampires. La réalité de la mort est une question très prégnante à cet âge. Et ils prennent d’ailleurs souvent des risques pour prouver qu’ils sont plus forts qu’elle. »

Les adultes

« Les adultes aiment les super-héros parce qu’ils veulent continuer à rêver. Et ils sont nombreux dans ce cas étant donné le succès des films avec de tels personnages. C’est même un véritable phénomène de société. Peut-être est-ce pour échapper à la morosité ambiante. Un remède anti-déprime, même provisoire. N’oublions pas que beaucoup de ces héros ont été crées en temps de crise ou de guerre.

Ces personnages qui règlent des tas de problèmes avec des super pouvoirs viennent renforcer notre narcissisme et nous donnent l’illusion qu’on pourrait peut-être en faire autant, même si on sait bien que c’est illusoire. Au moins cela alimente notre imaginaire, ce qui n’est déjà pas si mal.

Ce besoin de héros tout puissants ne date d’ailleurs pas d’hier. La mythologie l’a fait en créant une société parallèle avec des dieux, des demi-dieux, des super-héros, des titans aux pouvoirs surhumains qui permettaient à chacun de se projeter et de s’identifier en fonction de ses préférences ou de ses besoins. »

Paula Pinto Gomes - Une interview du journal La Croix - Mai 2016

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